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L’interview

Me Lubin Ntoutoume : « il y a des confrères qui ne se sentent pas bien lorsque tout marche bien »

Me Lubin Ntoutoume : « il y a des confrères qui ne se sentent pas bien lorsque tout marche bien »
Me Lubin Ntoutoume : « il y a des confrères qui ne se sentent pas bien lorsque tout marche bien » © 2023 D.R./Info241

Alors que la crise au sein de l’ordre des avocats du Gabon bat son plein depuis plusieurs mois, une lueur d’espoir semble poindre à l’horizon avec la désignation le 4 novembre de l’ancien bâtonnier Me Martial Lubin Ntoutoume Obame pour assurer l’intérim. La rédaction d’Info241 l’a rencontré dans son cabinet à Libreville.

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Me Lubin Ntoutoume, bonjour et merci de recevoir ici dans votre cabinet la rédaction d’info241. Ancien bâtonnier, vous avez été élu il y a quelques jours bâtonnier par intérim au barreau du Gabon après l’annulation en avril dernier de l’élection de Me Obame Sima pour irrégularités.

 Info241 : Comment avez-vous accueilli cette nouvelle responsabilité ?

Me Lubin Ntoutoume : Le premier sentiment qu’on peut avoir lorsqu’on est choisi pas ses pairs, par les confrères, c’est d’abord la fierté. On vit une émotion qui relève réellement de la responsabilité qu’on est appelée à assumer. Je pense que nous sortons d’une très très longue crise et nous n’avions plus de bâtonniers. Nous n’avions plus de conseil de l’ordre et lorsqu’on vous confie une telle responsabilité, que je sais lourde, puisque j’ai déjà été bâtonnier deux fois. Je mesure donc le poids, la responsabilité qui est la mienne de pouvoir remettre les choses dans l’ordre. Derrière ça, il y a une reconnaissance par ses pairs de ce qu’on est capable de faire des choses. De ce qu’on est capable de porter tout un ordre sur ses épaules. Je pense qu’ils savent très bien qui peut faire quoi dans cet ordre. C’est pour cela que l’assemblée générale a décidé de me ramener un tout petit peu comme on dit aux affaires.

 Comment se porte le barreau du Gabon ?

Me Lubin Ntoutoume : Le Barreau se porte mal, très mal. Il faut dire que lorsque vous avez un ordre qui n’a pas de bâtonnier, qu’il n’y a pas de conseil de l’ordre, ce n’est pas un barreau. Nous venons de vivre une histoire assez inédite parce que 6 mois et demi après la décision du conseil d’État qui est intervenue au mois d’avril 2023, je pense qu’on aurait pu organiser assez rapidement une élection pour avoir un bâtonnier pour éviter de tomber dans cette espèce de vide que tout le monde commençait à dénoncer ici et ailleurs.

N’oubliez pas que le barreau est une institution et que chaque fois qu’on se rend compte que cette institution ne fonctionne pas alors qu’elle fait partie des acteurs majeurs de la justice de notre pays, on s’interroge. Au delà du Gabon, hors de nos frontières, le barreau du Gabon appartient à des organisations internationales de barreaux qui se sont également inquiétés de la situation qui prévalait ici. Je pense que sortir de là est une très très bonne chose et si vous me demandez dans quel état était ce barreau avant l’élection de samedi, et bien nous étions dans une très mauvaise situation, une situation critique. Je pense que l’assemblée générale qui vient de se dérouler est un ouf de soulagement.

 Vous avez été choisi par vos pairs pour organiser le futur scrutin, comment cela va se dérouler ?

Me Lubin Ntoutoume : Cela va se passer comme cela aurait dû se passer. Nous avons une loi, nous avons un règlement intérieur qui sont des textes qui gouvernent la matière électorale au niveau de notre barreau. Nous allons organiser cette élection dans un délai que nous fixerons. Cela permettra à tous les avocats de mieux s’organiser, puisqu’il est évident qu’on va convoquer une assemblée générale.

La loi dit que l’assemblée générale doit être convoquée un mois et avant sa tenue. C’est-à-dire qu’il faut déjà intégrer ce délai mensuel dans la préparation des élections. La même loi dit que les candidatures doivent être déposé 15 jours avant la tenue de l’assemblée générale. Donc on est à la moitié du mois. Cela suppose également en tant qu’organisateur de cette élection, nous devons recueillir les inscriptions de tous les confrères qui veulent donc participer au vote, les candidats au conseil de l’ordre, les candidats au bâtonnat... Constituer un corps électoral qui devra nous permettre donc d’aller à cette élection. Tout cela doit pouvoir s’organiser de manière à ce qu’au terme du processus électoral, qu’il n’y ait plus de contestation possible.

Je dois ajouter au sujet de la dernière élection que l’opinion pense que l’élection s’était mal passée. C’est une élection qui avait été très très bien organisée. L’élection qui avait porté maître Obame Sima à la tête du barreau avait été très bien organisée. Cette élection avait été convoquée un 2 décembre 2022, pour une assemblée qui devait se tenir le 6 janvier 2023. Le 21 décembre était la date limite du dépôt de candidatures. Le 21 décembre à 18h, toutes les candidatures étaient déposées. Le bâtonnat avait 4 candidats au total.

Le même jour, toutes les candidatures au conseil de l’ordre étaient déposées vu que le conseil de l’ordre est composé de 12 membres. Nous avons reçu bien plus que ça. Il y avait je crois 17 ou 20 candidatures. Tous les candidats savaient qui était candidat au bâtonnat, qui briguait le conseil de l’ordre. Tous les avocats du Gabon le savaient. C’est pour cela que nous étions surpris qu’on veuille nous faire le reproche que la liste des candidats n’était pas affichée.

Tout avait été très bien organisé. Les candidats avaient eu le même temps pour battre campagne auprès des confrères. Le jour de l’assemblée générale, tous les confrères étaient présents et chacun d’eux avaient droit à la parole pour s’exprimer une dernière fois devant l’assemblée générale. Nous sommes passés au vote et maître Obame Sima après le retrait de la candidature de maître Boussougou, a remporté cette élection mais largement. Parce qu’il ne faut pas réinventer la roue, nous allons remettre sur la table de loi, les deux textes qui organisent ou qui gouvernent les élections notre loi et notre règlement intérieur.

Nous allons convoquer les candidats, afficher les listes pour que nul ne vienne à nouveau nous réclamer quoi que ce soit. Comme il y a eu cette malheureuse décision du conseil d’État du 20 avril 2023, nous allons également être obligés d’observer ce que le juge administratif nous prescrit de faire pour éviter justement des contestations. Nous allons le faire dans un délai qui me paraît raisonnable pour bien faire jusqu’à la fin de cette année sinon début janvier.

 Quel est le frein à l’essor des avocats au Gabon ?

Me Lubin Ntoutoume : Le pense que nous avons quand même un barreau assez bien organisé. Individuellement, les avocats travaillent dans leur cabinet. Chacun s’occupant de ses clients. Je devrais nuancer ma réponse telle que votre question est posée parce que vous avez des avocats qui n’ont aucun problème, qui travaillent librement. Si vous voulez prendre les choses en rapport avec la vie de l’ordre, les problèmes que nous connaissons s’arrêteront peut-être un jour. Moi, je suis confiant. Mais il faut aussi retenir une chose, il y a dans notre barreau un groupuscule d’avocats qui a simplement choisi de combattre l’ordre. Et je vous assure, qu’ils ne sont pas plus de 6. Ce sont eux qui vont dans la presse, ce sont eux qui cherchent à instrumentaliser la justice. Ce sont eux qui cherchent des appuis pour qu’il y ait une influence sur ce que nous faisons.

Pour quelles raisons ? Je ne saurais vous dire parce qu’il y a rien, absolument rien de concret ou de clairement exprimé. Si je vais plus loin, je vais être obligé de porter des jugements de valeur sur chacun d’entre eux et je m’abstiendrais. Il n’y a aucune raison fondamentale aujourd’hui pour que l’ordre du Gabon ne puisse fonctionner. Nous nous battrons. Moi j’ai été bâtonnier pendant 4 ans, 2 mandats successifs. J’ai fait ma mission, j’ai fait ma part. Vous savez il y a des confrères qui ne se sentent pas bien lorsque tout marche bien. Mais ça ne nous empêche pas d’évoluer. Nous sommes dans la démocratie et je considère que le confrère qui veut se plaindre, a le droit de le faire. Je pense que ceux qui veulent s’ériger en tant qu’adversaire de l’ordre n’ont pas compris pourquoi ils sont devenus avocats. L’ordre a ses règles. Soit vous les intégrez et les respectez soit vous démissionnez.

 Votre mot de la fin ?

Me Lubin Ntoutoume : C’est vous dire que les choses vont revenir dans l’ordre. Le conseil de l’ordre et moi-même nous allons organiser cette élection pour offrir à notre barreau un nouveau bâtonnier, un nouveau conseil de l’ordre. Je pense que c’est le meilleur des vœux qu’il faut faire. C’est dans l’intérêt de tous les avocats du Gabon. Nous avons un barreau jeune parce que les plus nombreux sur le tableau sont jeunes. Plus de la moitié des avocats du Gabon sont jeunes et ont encore un long parcours à faire. Je pense qu’on va pouvoir travailler,. Nous devons en toute sagesse leur laisser un barreau digne de ce nom. C’est ce message d’espoir et d’espérance que je peux lancer à l’endroit de mes confrères.

Propos recueillis par BBO

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