Incompréhension

Affaire Harold Leckat : le patron de GMT jeté en prison après cinq longs jours de garde à vue

Affaire Harold Leckat : le patron de GMT jeté en prison après cinq longs jours de garde à vue
Un tract de soutien au journaliste apparu quelques heures après l’annonce de son incarcération © 2025 D.R./Info241

Alors que l’on s’attendait à un retour à la sérénité judicaire, l’affaire Harold Leckat, directeur de publication du média en ligne Gabon Media Time (GMT), a connu un tournant décisif ce lundi 20 octobre. Après cinq jours de garde à vue à la Direction générale des recherches (DGR, gendarmerie), le journaliste a été placé sous mandat de dépôt et transféré ce lundi à la prison centrale de Libreville. Une décision qui a aussitôt provoqué une vague d’indignation dans les milieux médiatiques et au sein de la société civile, où elle est perçue comme une atteinte à la liberté de la presse.

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Une incarcération jugée « incompréhensible » par plusieurs organisations de défense des droits humains, dont SOS Prisonniers Gabon , qui dénonce une « dérive judiciaire inquiétante et contraire à l’esprit d’un État de droit » . Selon cette ONG, la détention préventive du journaliste ne se justifie en rien, d’autant que celui-ci présentait toutes les garanties de représentation. « Dans un État de droit, la détention préventive doit rester l’exception et non devenir une règle silencieuse contre ceux qui pensent autrement », a rappelé l’organisation dans un communiqué publié ce lundi soir.

 Une conférence de presse marquée par l’indignation

Quelques heures avant son transfert à la prison centrale, plusieurs organisations de journalistes, dont l’OPAM, l’UPJ, le RENAJI, Media & Démocratie et Reporters sans frontières (RSF), ont tenu ce lundi matin une conférence de presse à Libreville pour dénoncer ce qu’elles qualifient de « cabale politico-judiciaire » contre un journaliste reconnu pour son indépendance. « On ne peut pas faire passer Harold Leckat pour un délinquant ou un détourneur de fonds. C’est un patriote qui a contribué à l’assainissement du débat public », a déclaré un représentant du collectif.

🕒 Chronologie de l’affaire Harold Leckat

Date Événement clé
15 octobre 2025 Harold Leckat, directeur de publication de Gabon Média Time (GMT), est interpellé par les agents de la Direction générale des recherches (DGR). Les autorités évoquent un soupçon de détournement de fonds publics liés à un contrat entre GMT et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).
16–19 octobre 2025 Le journaliste est maintenu en garde à vue à la DGR pendant cinq jours, sans communication officielle ni présentation rapide à un juge. Les premières voix s’élèvent dans la société civile et parmi les journalistes pour dénoncer une arrestation jugée arbitraire.
20 octobre 2025 – 9h30 Plusieurs organisations de presse et syndicats de journalistes — dont le Syprocom, la Plateforme des médias indépendants et le Réseau des femmes des médias — tiennent une conférence de presse à Libreville. Elles exigent la libération immédiate du directeur de GMT et dénoncent « un signal inquiétant envoyé à la liberté d’informer ».
20 octobre 2025 – soir L’ONG SOS Prisonniers Gabon confirme que Harold Leckat a été placé sous mandat de dépôt et transféré à la prison centrale de Libreville. Dans un communiqué, elle dénonce une « dérive judiciaire » et appelle à « humaniser les prisons et garantir l’indépendance de la justice ».
Prochaines étapes attendues L’équipe juridique du journaliste prévoit de déposer une demande de mise en liberté provisoire . Des ONG internationales de défense de la presse (RSF, Amnesty, CPJ) devraient être saisies du dossier dans les jours à venir.

Les conférenciers ont rappelé le rôle déterminant de GMT dans la dénonciation des dérives du régime Bongo, notamment à travers la publication du rapport « 105 promesses, 13 réalisations » , coécrit avec Mays Mouissi, aujourd’hui ministre de l’Environnement. « Pour avoir contribué à ce travail d’intérêt public, il a été menacé, surveillé, et aujourd’hui, incarcéré », a dénoncé un membre du Réseau national des journalistes indépendants (RENAJI).

 Des conditions de détention jugées inhumaines

Les révélations sur les conditions de détention d’Harold Leckat ont particulièrement choqué l’opinion. Selon ses proches, le journaliste aurait passé plusieurs nuits menotté à une chaise, sans possibilité de dormir correctement ni d’accéder aux toilettes. « Il a été victime d’un malaise dans la nuit du 16 octobre, isolé des autres détenus, et privé d’hygiène élémentaire », ont dénoncé les associations présentes.

Conférence de presse des organisations de journalistes – Principaux arguments

Thèmes abordés Arguments et citations clés Organisations intervenantes
1. Atteinte à la liberté de la presse « L’arrestation d’un journaliste pour des motifs économiques, sans respect des procédures, constitue un précédent dangereux pour la liberté d’informer au Gabon ». Syprocom (Syndicat des professionnels de la communication)
2. Procédure judiciaire jugée arbitraire Les organisations dénoncent la durée excessive de la garde à vue (5 jours) , sans présentation rapide au juge, ni communication claire sur les charges. « Harold Leckat a été traité comme un criminel d’État pour avoir simplement dirigé un média libre ». Plateforme des Médias Indépendants du Gabon (PMI-Gabon)
3. Pressions politiques et intimidation Les journalistes estiment que cette arrestation vise à museler la presse indépendante : « On cherche à faire taire ceux qui ne s’alignent pas sur la propagande officielle ». Réseau des Femmes des Médias (REFEMEG)
4. Manque de transparence sur le contrat CDC-GMT « Si infraction il y a, pourquoi la CDC, organe public, n’a-t-elle pas rendu publique la nature du contrat et les preuves ? » — appel à la transparence des institutions . Observatoire Gabonais des Médias (OGAM)
5. Appel à la libération immédiate de Harold Leckat « Nous exigeons la libération immédiate et sans conditions de notre confrère. La détention préventive n’est pas un outil de punition politique. » Union de la Presse Francophone – section Gabon (UPF-Gabon)
6. Réformes urgentes du cadre juridique de la presse Les participants réclament la révision du Code de la Communication pour garantir la protection juridique des journalistes en cas de litige civil ou commercial. Association des Journalistes Indépendants du Gabon (AJIG)
7. Solidarité et mobilisation nationale « Ce qui arrive à Harold Leckat aujourd’hui peut arriver demain à n’importe lequel d’entre nous. Nous devons rester unis. » Collectif des Médias Libres du Gabon (CMLG)

Ces faits, confirmés par plusieurs sources concordantes, posent de sérieuses questions sur le respect de la dignité humaine au sein de la DGR. « Ce traitement dégradant est une honte pour la justice gabonaise et une menace directe contre la liberté de la presse », s’est insurgée une représentante de l’Union de la presse gabonaise (UPJ).

 Une arrestation entachée d’irrégularités

Le collectif des organisations de presse a également dénoncé les conditions opaques de l’interpellation du journaliste. Revenant d’une formation à Montpellier dans le cadre du programme Médias & Démocratie, Harold Leckat a été arrêté manu militari à l’aéroport international Léon-Mba de Libreville par des individus sans badges ni mandat visible. « Aucun motif ne lui a été signifié au moment de son arrestation, et sa famille a été tenue dans l’ignorance pendant près de 24 heures », a précisé le collectif.

Ces irrégularités flagrantes constituent, selon les organisations, une violation manifeste de la Constitution gabonaise. L’article 16 y stipule que « nul ne peut être gardé à vue ou placé sous mandat de dépôt s’il présente des garanties suffisantes de représentation ». En clair, Harold Leckat ne remplissait pas les conditions pour être incarcéré.

 Un dossier à coloration politique

Au fond, les journalistes dénoncent une instrumentalisation politique de la justice. Le dossier porterait sur un contrat commercial signé en 2020 entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Global Media Time, l’agence de communication gérée par Leckat. Le contrat, d’un montant annuel de plus de 130 millions de FCFA, portait sur des prestations de communication jugées régulières et exécutées. « Il ne s’agit pas de détournement de fonds publics, mais d’un litige commercial entre une entreprise privée et une institution publique », ont souligné les conférenciers.

Selon eux, le recours au pénal pour ce type de dossier traduit une volonté claire d’intimidation. « Si litige il y a, le tribunal du commerce est le seul compétent. Le choix du pénal montre la volonté d’humilier et de faire taire un journaliste dérangeant », a insisté le porte-parole de Media & Démocratie – Gabon.

 Un symbole de la liberté de la presse en danger

L’affaire Leckat dépasse aujourd’hui le seul cadre judiciaire. Elle cristallise un malaise profond sur la liberté de la presse au Gabon, dans un contexte où plusieurs journalistes font face à des pressions croissantes. « Nous assistons à une normalisation de la peur dans les rédactions. Harold est le symbole d’un journalisme qui refuse la compromission », a déclaré un représentant local de RSF.

Le collectif appelle les autorités à la raison et à la libération immédiate du journaliste. « Il est temps que la République démontre que la justice n’est pas un instrument de rétorsion politique, mais un pilier de la démocratie », conclut la déclaration commune des organisations réunies à Libreville.

 Une épreuve qui ébranle la corporation

Au-delà du cas personnel d’Harold Leckat, cette affaire met en lumière la précarité juridique et la vulnérabilité des journalistes gabonais face au pouvoir. L’ensemble de la profession s’est dite prête à se mobiliser pour défendre ses droits fondamentaux. Des marches de soutien et une pétition en ligne ont été annoncées dans les heures suivant la conférence.

En attendant, le directeur de Gabon Media Time passe sa première nuit derrière les barreaux, symbole d’un combat plus large : celui d’une presse libre, indépendante et respectée. La rédaction d’Info241 joint ainsi sa voix à celle de ses confrères pour exiger la libération sans délai du patron de presse dont les actes et la place ne sont nullement dans la très surpeuplée prison centrale de Libreville.

@info241.com
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