Gabon : Brice Oligui Nguema inaugure la Ve République par un discours d’unité et de rupture

Ce samedi devant un stade de l’amitié sino-gabonaise d’Angondjé noir de monde et de plusieurs centaines de convives venus de l’étranger, Brice Clotaire Oligui Nguema a été officiellement investi président de la République par la cour constitutionnelle de la transition. Ce, au terme d’une transition de 612 jours entamée par le renversement du régime d’Ali Bongo le 30 août 2023. Celui qui fut le principal visage du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a pris la parole, cette fois comme chef de l’État élu, pour prononcer un discours d’investiture long d’environ 18 minutes. Il y a tracé les grandes lignes de son mandat et les priorités politiques de la Ve République naissante.

Dès les premières secondes de son intervention, marquée par une rhétorique solennelle et des accents d’émotion, le président élu a tenu à inscrire ce moment dans une continuité historique. « C’est avec une immense émotion, une humilité sincère et une responsabilité profonde que je prends la parole devant vous », a-t-il déclaré, avant de rendre hommage à Dieu et aux pères fondateurs du Gabon indépendant. « Leur courage nous inspire, leur sacrifice nous oblige » , a-t-il lancé. Se posant en rassembleur, il a refusé d’associer son accession au pouvoir à une victoire personnelle ou partisane. « Celui qui se tient aujourd’hui devant vous ne célèbre ni sa victoire, ni celle d’un parti, ni d’une ethnie. Il veut rendre hommage à la renaissance d’une nation ».
La fin de la transition et l’ancrage démocratique
Le discours marque d’abord la fin officielle du régime transitoire issu du « coup de libération » du 30 août 2023. Le président élu a souligné que le scrutin du 12 avril 2025, remporté avec 94,85 % des voix, était l’expression d’une souveraineté retrouvée. « Vous avez posé un acte de foi, foi en la République, foi en la démocratie, foi en l’avenir » , a-t-il affirmé, saluant un plébiscite populaire qui, selon lui, consacre un véritable tournant démocratique pour le Gabon. Il s’est engagé à gouverner sans exclusion, affirmant : « Je prends un engagement, l’engagement de servir, de protéger et d’unir tous les Gabonais, y compris ceux de la diaspora » .
Les principales annonces de son dicours d’investiture
Domaine | Annonce | Date prévue |
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Fin de la transition | Retour à l’ordre constitutionnel | 3 mai 2025 |
Élections législatives | Scrutin jumelé en deux tours | 27 septembre et 11 octobre 2025 |
Élections sénatoriales | Deux tours | 8 et 29 novembre 2025 |
Installation du Parlement | Assemblée nationale et Sénat | 4 novembre et 15 décembre 2025 |
Conseil économique et social | Installation | 1er décembre 2025 |
Cour constitutionnelle | Juges prêtant serment | 23 décembre 2025 |
Gouvernance | Lutte contre impunité, corruption, paresse, laxisme | Dès le début du mandat |
Politique sociale | Santé, éducation, eau, énergie, logement, vie chère, précarité, sécurité | Priorités immédiates |
Politique économique | Transformation locale des matières premières, mesures pour l’emploi des jeunes | Programme de législature |
Diplomatie | Retour dans l’Union africaine | Acté le 30 avril 2025 |
Grandes rencontres | Sommet UA (2027) et Sommet Francophonie (2030) à Libreville | 2027 et 2030 |
Dialogue international | Ouverture d’un dialogue avec le FMI et la Banque mondiale | À venir |
Fête nationale | Le 30 août devient une fête tournante dans les provinces | À partir de 2026 |
Dans la foulée, Brice Oligui Nguema a détaillé un calendrier politique précis pour permettre l’installation complète des institutions de la Ve République. Les élections législatives et locales auront lieu les 27 septembre et 11 octobre 2025, suivies de l’élection des sénateurs les 8 et 29 novembre. L’Assemblée nationale sera installée le 4 novembre, le Sénat le 15 décembre. La mise en place du Conseil économique, social, environnemental et culturel est prévue pour le 1er décembre, tandis que les juges constitutionnels prêteront serment le 23 décembre. « L’issue de ce processus marque la fin de l’organisation des institutions constitutionnelles de la Ve République en terre gabonaise » , a-t-il déclaré.
Gouvernance, justice et réformes économiques
Faisant de la justice et de la moralisation de la vie publique un axe central, le président a estimé que « la Ve République […] pose l’exigence de mettre fin à l’impunité, à la corruption, à la cupidité, au laxisme et à la paresse » . Il a promis une administration performante, une justice équitable et une gouvernance fondée sur l’exemplarité. Le ton est ferme : « Chaque citoyen dépositaire de l’autorité de droit doit remplir sa mission dans le respect des lois et règlements » , a-t-il insisté.
Sur le plan social, Brice Oligui Nguema a dressé la liste des attentes prioritaires : santé, éducation, logement, accès à l’eau et à l’énergie, sécurité, lutte contre la précarité et la vie chère. « Je reste conscient que les attentes sont nombreuses », a-t-il reconnu. Sur le volet économique, il a réaffirmé l’engagement du Gabon à rester une « terre d’opportunités » pour les investisseurs, tout en s’engageant dans un processus de diversification productive. « Nous allons diversifier notre économie à travers la transformation de nos matières premières », a-t-il déclaré, ajoutant que l’État prendra des mesures incitatives en faveur de l’emploi des jeunes. Il a également évoqué le besoin de reconstruire le tissu industriel, de moderniser les infrastructures routières, ferroviaires, énergétiques et portuaires.
Politique étrangère et affirmation du Gabon sur la scène internationale
Le discours s’est poursuivi sur le plan diplomatique, avec la réaffirmation du retour du Gabon dans l’Union africaine, décidé lors de la réunion du Conseil Paix et Sécurité le 30 avril à Addis-Abeba. « Le Gabon a beaucoup appris », a déclaré le chef de l’État, saluant le rôle joué par le président angolais João Lourenço et les facilitateurs de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Il a également remercié l’ONU, la Francophonie, l’OCI, le Commonwealth et l’Union européenne pour leur accompagnement pendant la transition.
En termes d’initiatives diplomatiques, Libreville ambitionne d’organiser deux sommets majeurs : le 8e sommet de la coordination de l’Union africaine en 2027, et le 22e sommet de la Francophonie en 2030. Par ailleurs, un dialogue sera engagé avec le FMI et la Banque mondiale pour mieux restructurer la dette extérieure. « Le Gabon se tiendra toujours. Nous tiendrons nos engagements vis-à-vis de nos bailleurs de fonds internationaux », a promis Oligui Nguema.
Un symbole fort : la fête du 30 août officialisée
Dans un geste symbolique fort, Brice Oligui Nguema a annoncé que la date du 30 août – jour du coup d’État de 2023 – deviendra une fête nationale tournante dans les provinces, dans le cadre d’une politique de décentralisation. « En plus de la décentralisation, la fête de la libération du 30 août sera désormais une fête tournante pour accélérer le développement de nos provinces et leur collectivité locale » , a-t-il affirmé. Il a enfin clôturé son allocution par un appel à l’unité et à l’espoir : « En ce temps de pardon et de réconciliation nationale, ensemble, cultivons l’espoir et la détermination de bâtir un Gabon nouveau, un Gabon qui illumine l’avenir par son unité, sa solidarité et son esprit d’innovation ».
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